La France viendra-t-elle à bout des hausses de prix dans la grande distribution ? Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé le 6 mars un « trimestre anti-inflation », en même temps que la signature d’un accord avec les distributeurs, pour les engager à proposer les prix les plus bas possibles sur une centaine de références stratégiques.
Cette initiative intervient au moment où les nouveaux tarifs issus des négociations commerciales annuelles vont arriver en rayon d’ici la fin du mois, ou en avril, le temps que les stocks de précaution des distributeurs soient écoulés. Distributeurs et industriels confirment des demandes de hausse qui pouvaient atteindre 20%, sans que l’on puisse parler d’une moyenne.
Que faut-il retenir de ces épisodes de tensions sur les prix à la consommation ? Pour commencer, le fait que les distributeurs et leurs fournisseurs n’ont en réalité quasiment pas cessé de négocier les prix depuis 18 mois. Or, l’exercice est plus difficile pour eux qu’on ne pourrait l’imaginer, tant ils ont du mal à déterminer les niveaux de hausse réellement justifiés. Les distributeurs, par exemple, ont généralement une compréhension partielle des coûts de revient de leurs fournisseurs et surtout des « drivers » de coûts. Résultat, cet hiver, une partie importante des négociations portaient sur la mise en place de clauses de « revoyure », pour revoir les prix à la baisse, dans les cas où les matières premières, l’énergie viendraient à baisser à nouveau… La crainte étant bien entendu qu’un concurrent distributeur puissent suivre un retour de désinflation, et en bénéficier plus tôt.
En réalité, la meilleure façon de se prémunir et d’évaluer l’évolution des prix de revient serait de s’équiper des outils qui permettent de comprendre les coûts de revient des fournisseurs dans le détail. Connaître la proportion des différentes matières premières, l’évolution de leurs cours, ainsi que ceux de l’énergie, de la main d’œuvre, etc. Le distributeur ainsi équipé peut même se positionner en partenaire de son fournisseur, plus qu’en client, grâce à un niveau d’information potentiellement plus fin et plus riche
Face aux hausses de prix actuelles, le levier promotionnel sera mécaniquement actionné plus largement, indépendamment des initiatives gouvernementales. Ces efforts seront compensés par des péréquations de marge entre les références sensibles, achetées suffisamment souvent pour que le consommateur en connaisse le prix habituel, vendues proches du seuil de revente à perte, et les références moins sensibles.
C’est d’une certaine manière souligner la limite de l’opération « trimestre anti-inflation ». Les distributeurs vont de toute façon se battre sur ces produits « stratégiques », pour être le mieux positionnés dans l’esprit et le portefeuille de leurs clients. Les forcer à le faire ne devrait pas changer fondamentalement les choses. Il ne faut d’ailleurs pas minimiser les difficultés des magasins face à cette inflation. Ils peuvent certes agir sur les prix pour les consommateurs, mais beaucoup plus difficilement pour eux-mêmes. Or, la hausse des coûts de l’énergie les a très durement impactés, notamment du fait de leur importante consommation électrique (éclairage, chaud, froid, fours…).